A corps ouverts, thriller

 

PROLOGUE

 

Il ouvrit la chambre froide et fit coulisser le corps sur un chariot, puis le glissa jusqu’à la table réfrigérée. Un parfum de formol qu’il ne sentait plus se libéra dans la pièce.

La vue de ses traits abîmés, des paupières enfoncées, la couleur livide de son teint le firent tressaillir. Ce corps-là n’avait plus rien à voir avec la silhouette gracieuse qui figurait sur la photo punaisée au mur, près de lui.

Mais d’ici quelque temps, rien n’y paraîtrait plus. Il en ferait quelque chose de divin. Avec ce nouveau corps, il toucherait non seulement à la perfection mais encore à la beauté éternelle. Ce serait l’accomplissement de plusieurs années de travail. Il s’était entraîné des heures durant, déployant patience et minutie, pour préparer ce moment qu’il attendait depuis des mois. À présent, il était prêt. Prêt pour le chef-d’œuvre de sa vie.

Enfin, il obtiendrait la reconnaissance tant attendue de la part du maître dont il avait pu admirer le travail de ses propres yeux. Cela serait son trophée. Mais cette œuvre serait aussi un don, et, il l’espérait, la plus grande preuve d’amour qui soit.

Tout devait être parfait. Certes, le modèle n’était sans doute pas à la hauteur de son talent, mais ce n’était qu’un détail et il n’en serait d’ailleurs que plus beau au final.

Il se saisit du scalpel et de la pince qui reposaient sur le plateau en aluminium à côté de lui.

Et il commença à éplucher délicatement la peau.

Nathalie Guyader

À corps ouverts, Prix des lecteurs 2018